[Interview] 275km en 6 jours : le défi de Frédérique

Actualité

11.07.24

Après avoir terminé 1ère de sa catégorie lors de l’HMDS 2022 au Pérou, Frédérique a relevé l’un des défis les plus exigeants dans le monde de l’ultratrail : le Grand to Grand Ultra aux USA.

Cette course mythique, s’étendant sur 275 km en 6 jours à travers des paysages spectaculaires de l’Arizona et de l’Utah, met à l’épreuve la résilience physique et mentale des participants. En auto-suffisance, les coureurs affrontent des terrains variés, allant des dunes aux canyons rocheux, tout en portant leur propre équipement.

Frédérique de la team K.DERET partage avec nous son expérience unique. Elle nous raconte comment elle s’est préparée pour cette aventure hors du commun, les défis qu’elle a rencontrés en cours de route, et ce que cette expérience lui a appris sur elle-même.

Plongeons ensemble dans les coulisses de cette course légendaire à travers son témoignage inspirant.

Si vous souhaitez en savoir +, voici le site de l’organisation :

Sur la préparation :

Comment t’es-tu préparée physiquement et mentalement pour une course aussi exigeante ? Depuis des années, je suis une préparation de course à pied avec mon entraîneur Jean-Pierre CHARRON du club SEC ATHLETISME et une préparation physique générale (PPG) avec Kévin de K.DERET qui me prépare aussi bien sur ma condition physique que sur mon mental, primordial sur ce type de course !

Quels ont été les plus grands défis pendant ta préparation ? Arriver à trouver des créneaux horaires suffisant d’entraînement, parce qu’on passe sur des formats de sortie de 5-6h, ce n’est pas toujours évident avec la vie de tous les jours, la famille, les diverses activités, les sorties et la vie sociale de trouver le temps de faire ça.

As-tu suivi un régime alimentaire ou un entraînement spécifique pour te préparer à ce type de terrain désertique et à l’altitude ? Alors je n’ai aucun régime alimentaire et pour mes entraînements j’allais juste courir dans les dunes à la Paracou à l’Aubraie en sachant qu’aux Sables-d’Olonne on n’a vraiment pas beaucoup de dénivelé mais bon c’était déjà mieux que rien.

Qu’as-tu changé dans ta préparation par rapport à celle réalisée pour l’HMDS Pérou en 2022 ? Alors des sorties beaucoup plus longues avec un sac plus lourd parce que le format de l’HMDS était sur 4 jours « seulement » contre 6 pour la Grand to Grand Ultra.

Sur la course :

Quelles ont été tes premières impressions au départ de la course depuis le Grand Canyon ? Merveilleux ! Tout était beau, magique. Le premier campement au bord du Grand Canyon c’était inattendu, une grande chance. Je ne pensais même plus à la course, j’admirais juste ce que j’avais devant moi.

Comment t’es-tu sentie physiquement au départ de la course ? Est-ce que tu te sentais prête à affronter un défi aussi intense ? Physiquement je me sentais bien mais je commençais à paniquer je me suis dit « tu t’es peut-être mis dans un truc qui va te dépasser ».

As-tu eu des blessures ou des problèmes physiques pendant la course, comme des ampoules, des douleurs musculaires ou des crampes ? Si oui, comment les as-tu gérés ? Alors dès le départ j’ai couru sur la première étape et je me suis flinguée les pieds : des grosses ampoules sous les deux voûtes plantaires, sur les orteils avec infection sur un orteil, vraiment des grosses ampoules partout donc j’ai dû rapidement prendre la décision de me faire soigner les pieds le soir parce que je pouvais même pas me les soigner par moi-même pour ne pas galérer sur la seconde étape le lendemain. Sinon peu de douleurs musculaires, pas de crampe.

Comment as-tu maintenu ton énergie et géré l’auto-suffisance ? Alors j’avais déjà connu l’autosuffisance au Pérou mais cette fois j’ai eu du mal à m’alimenter. Heureusement, on était 11 français sur la course, et cette Team France elle était précieuse ! Il y avait vraiment beaucoup d’entraide. Comme j’avais du mal à me déplacer j’ai eu beaucoup d’aide de la part de mes compagnons. Femmes, hommes, tout le monde m’a donné un coup de main et cela a été vraiment super.

La diversité des paysages a-t-elle influencée ton mental ou ton rythme de course ? Oui ! Automatiquement, ça influe sur la course. Parfois on ne peut pas être attentif au paysage parce qu’il faut être attentif aux dangers potentiels sous nos pieds, style des pierres volcaniques, des graviers, des montées. Devant la diversité des paysages, on se dit que l’on a tellement de chance et ça permet de tout surpasser. Dès la 2ème étape j’étais en mode marche et donc là c’était plus facile de pouvoir profiter des paysages.

Quelle étape as-tu trouvée la plus difficile, et pourquoi ? L’étape 4, après la grande étape de 41,9 km parce que j’ai fait une hypoglycémie. Je me suis dis que je n’allais jamais y arriver. Je faisais quelque pas et je m’arrêtais ou alors je me mettais sur le côté, j’essayais de trouver un arbre pour me reposer et en fait j’y suis quand même arrivée. Mais là vraiment, celle-là elle m’a usée !

Qu’est-ce qui t’a le plus motivée à continuer dans les moments de difficulté ? Je me disais que d’autres avaient surmontés des choses bien plus graves, bien plus dures dans la vie, mais que là ce n’étaient pas mes pieds qui allaient me faire arrêter. De toute façon si je devais m’arrêter, c’était sûr ordre médical. Même si j’avais mal quand j’étais au CP (ndlr : Check Point), je me posais 5 minutes pour remplir mes gourdes et je repartais. Tant que ça tenait, il fallait que j’y aille.

Sur l’après-course :

Quel sentiment as-tu ressenti en franchissant la ligne d’arrivée ? De la fierté, du soulagement aussi. C’était la délivrance : là, je ne pouvais plus faire un pas de plus et je ne pouvais plus porter mon sac. Beaucoup de partage avec les autres c’était franchement une grande fête.

Comment ton corps a-t-il réagi après avoir terminé la course ? Combien de temps as-tu mis pour récupérer pleinement ? Mon corps a bien réagi parce que, n’ayant pas beaucoup couru, j’étais en sous régime. Pour l’instant je suis à ma 3ème semaine de récupération et je pense encore m’accorder une semaine supplémentaire pour vraiment me reposer parce que je sens bien que la fatigue est latente. Parfois dans la journée je suis bien et d’un coup le corps dit stop.

Quels soins ou routines spécifiques as-tu suivis pour aider ta récupération après un tel effort ? Dormir ! Et manger, parce que sur les 15.600 calories que j’avais amenées, j’ai dû en manger que 10.000 alors que ma montre connectée estimait 17.000 calories de consommées. J’avais déjà perdu du poids avec la préparation et j’en ai beaucoup perdu pendant la course. Il faut que je retrouve mon poids de forme.

Comment évalues-tu ton parcours global dans cette course ? J’ai bien géré et j’ai eu la bonne réaction. Je suis fière de moi parce que j’ai écouté tous les conseils qu’on m’avait donné au préalable. Mon objectif n’était pas de faire un temps, mais le but pour moi c’était de la terminer et de la terminer en bon état. Et c’est ce qui se passe, je me sens bien et prête maintenant à repartir sur d’autres entraînements.

Quel est ton plus beau souvenir de cette course ? La traversée des dunes de nuit ! J’ai fait l’étape longue toute seule pendant pratiquement 25h. Il faut savoir qu’on était 56 participants à partir et 18 ont abandonnés donc sur autant de kilomètres on était souvent seul. Mais cette traversée des dunes, c’était de la poésie totale ! L’impression d’être le petit prince, seul au monde et sans aucune peur. Ce sentiment de liberté et une vitalité qui m’est revenue dans la nuit parce qu’il y avait de la fraîcheur. C’était génial.

Quel impact cette expérience a-t-elle eu sur ta confiance en toi et ta résilience mentale ? La confiance en soi oui ça apporte beaucoup mais on peut se dire après je vais essayer de faire une course sur route et perdre sa confiance parce que on est confronté à d’autres problèmes, d’autres défis vis-à-vis de ses compétences ou ses capacités. Je trouve que ça apprend surtout qu’il faut tenter, tenter et encore tenter. Il ne faut pas avoir de regret.

Que conseilles-tu à quelqu’un qui envisagerait de participer au Grand to Grand Ultra pour la première fois ? Apprendre à marcher ! Parce que marcher bien, sans se faire mal, ça s’apprend. La marche peut vraiment sauver une course. Cela peut permettre de passer des moments de difficulté où on n’a plus la niaque, on est fatigué, ça permet aux corps de récupérer de régénérer. Il est important aussi d’écouter les conseils, il y a plein de groupes où on apprend beaucoup des expériences des autres. Ne pas hésiter à poser des questions bêtes elles peuvent être utiles sur une course comme ça. Et puis s’entraîner, constamment, régulièrement, vraiment la régularité c’est la clé.

Encore toutes nos félicitations Frédérique et merci de nous avoir partagé ces émotions !

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